les livres pour enfants mal voyants
les livres pour enfants mal voyants
les livres pour
enfants mal voyants
par
géraldine leroy (deust
stid 2ème année, 2003)
l’univers dans lequel évoluent
les déficients visuels est largement méconnu de ceux qui ne souffrent
pas de ce handicap. en france, l’école est gratuite et obligatoire depuis
jules ferry (1881), sauf pour les enfants aveugles et les sourds pour lesquels
il a fallu attendre 100 ans plus tard, la loi de 1975, qui permettait le financement
des prix de journée des établissements spécialisés.
l’enfant non-voyant compense sa cécité
en utilisant d’autres sens tels que l’ouïe, le toucher, la mémoire
et il se sert du braille pour lire et communiquer. c’est un système de
6 points (8 en braille informatique) en relief ou points saillants disposés
sur 2 colonnes de 3 points. avec 63 combinaisons possibles, ce système
permet la représentation très complète de tous les caractères
usuels. ces 6 points en relief, regroupés sur la feuille (la distance
entre les 2 points est de 2 à 2,5 mm) facilitent la lecture immédiate
de chaque caractère par le passage de l’index sur la ligne d’écriture.
ce système a deux gros inconvénients :
- il est encombrant (1 page noire
= 4 pages braille avec un papier beaucoup plus épais),
- il n’est pas utilisé par les éditeurs
ordinaires et il faut transcrire les livres.
l’écriture est possible à
l’aide :
- d’une tablette et d’un poinçon
- une machine à écrire perkins
- de matériels informatiques.
si les problèmes d’écriture
sont en partie résolus par les moyens actuels, la lecture reste un problème
essentiel dans la mesure où l’édition en braille est restée
confidentielle – 400 titres par an dont 200 scolaires – et même clandestine,
puisque le problème des droits d’auteur sur les transcriptions n’est
pas résolu. pour chaque transcription de livre, il faut demander l’autorisation
de l’éditeur originel et attendre son éventuel accord (certains
éditeurs refusent ou ne répondent pas).
notons que les aides informatiques
à la lecture s’adressent aux personnes braillistes, usagers avertis d’ordinateurs,
et l’on peut commencer à compter parmi eux les enfants de 9 à
10 ans et les adolescents. elles sont une chance réelle de multiplier
leur possibilités d’accès aux documents écrits, mais des
limites demeurent, telles que la limite d’âge (jeunes enfants non lecteurs
ou en apprentissage) et les limites dues aux formes des documents (les aides
informatiques retranscrivent très mal des impressions de mauvaise qualité
et pas du tout les illustrations). il faut préciser que seulement 15%
des aveugles lisent le braille.
toutefois les lecteurs malvoyants
sont plus difficiles à satisfaire que les aveugles car les pathologies
sont très variées (acuité visuelle plus ou moins grande,
photophobie, vision en tunnel etc). le nombre limité d’exemplaires, ajouté
aux difficultés de l’adaptation de certains livres, scolaires en particulier,
entraîne également des prix prohibitifs. un exemple la petite
taupe coûte 11 euros aux editions milan, 45 euros à
l’association " les doigts qui rêvent ". ce livre,
adapté en braille et en relief, n’a été produit qu’en 100
exemplaires, faute de financement. il faut un minimum de 50 exemplaires en commande
et 3 mois de délai pour sortir à nouveau la petite taupe.
autre exemple, la petite marchande de prose de daniel pennac coûte
70 euros les 4 volumes en braille intégral. il existe un braille intégral,
un braille abrégé (abréviations de suffixes ou de séquences),
un braille musical, mathématique etc. les nouvelles technologies offrent
des avantages considérables mais restent onéreuses.
les livres scolaires peuvent être
vendus entre 76 et 305 euros suivant le nombre de volumes (15 à 23 euros
pour une édition en noir). les manuels ne sont pas toujours transcrits
en entier. on choisit de privilégier la partie " utile " :
les exercices de maths par exemple. les livres d’histoire-géographie
sont rarement transcrits. quand ils le sont, c’est sans les cartes, schémas
ou autres adaptations. cela rappelle les " comités de lecture "
d’autrefois, qui choisissaient dans les revues les textes qu’il était
judicieux de transcrire pour les aveugles.
il existe très peu d’albums
pour enfants transcrits en braille, avec ou sans illustrations. il nous faut
distinguer les livres que l’on trouve dans les bibliothèques destinées
aux enfants non et mal-voyants, et les livres que l’on peut acheter. certaines
bibliothèques prêtent des livres pour enfants en braille, avec
ou sans illustrations tactiles. elles sont des émanations de bibliothèques
municipales, comme à antony dans les hauts-de-seine, ou encore la bibliothèque
municipale pour enfants de pau, dans les pyrénées atlantiques.
les bibliothécaires font alors
l’effort de se procurer tous les ouvrages pour enfants en braille disponibles
dans le commerce, par exemple les belles histoires de pomme d’api, les ouvrages
de benjamins média (textes en noir ou braille et illustrations sonores)
ou des doigts qui rêvent (ldqr) (bigraphisme et illustrations tactiles)
ou les ouvrages en gros caractères (jeune corps 16). ils tentent aussi
de recenser et d’acheter les ouvrages destinés aux enfants voyants qui
sont particulièrement lisibles pour les enfants malvoyants, ceci commençant
à poser problème vers l’âge de 8 ou 9 ans, lorsque les textes
pour les voyants sont écrits dans une police de caractères peu
lisible. d’autres bibliothèques, pour la plupart associatives, achètent
aussi ces ouvrages et transcrivent également des livres en noir, ou encore
proposent leurs propres productions (imagiers tactiles). ces ouvrages et, en
particulier, les dessins en relief, restent le plus souvent artisanaux, dépendant
de la compétence du bénévole. l’association bibliothèque
braille enfantine (abbe), à paris, possède ainsi un catalogue
d’environ 600 titres en braille intégral, abrégé, abrégé
progressif, albums tactiles. beaucoup d’établissements scolarisant des
élèves aveugles transcrivent aussi pour les bibliothèques
de classe ou d’école.
la situation est très
différente pour les albums ou les livres qu’il est possible d’acheter.
il en existe très peu pour les jeunes enfants. ils sont proposés
par les doigts qui rêvent, benjamins média et l’imprimerie braille
de la varenne, qui édite en braille les belles histoires de pomme d’api
(sans illustration). on trouve aussi quelques productions isolées comme
" emeline qui voit tout " de pierre coran chez casterman,
déjà anciennes (petit lisse et petit rugueux chez
flammarion) ou dont l’adaptation graphique est controversée : albums
publiés par l.o. four ou par le centre régional de documentation
pédagogique de lille (manuel " eric et julie sur le chemin
des six points "). les livres de madame kommer (libraillerie) sont
assez intéressants, mais comme ils sont réalisés artisanalement,
il est très difficile de se les procurer, qu’il s’agisse des manuels
ou des albums.
on trouve davantage de livres
pour des enfants plus âgés (sans illustration). il faut noter que
ces livres sont essentiellement des livres littéraires et que, dès
qu’il s’agit de livres documentaires – nécessitant donc des illustrations
ou schémas -, la situation peut se comparer à celle des albums.
les quatre livres publiés par la cité des sciences et de l’industrie
sont des exceptions.
tous les livres du commerce ont
en commun le fait qu’ils coûtent extrêmement cher (à part
l’abonnement aux belles histoires de pomme d’api ou emeline), en particulier
les albums illustrés, ce qui interdit à certains parents, et même
à certaines écoles moins bien dotées que d’autres, de les
acheter. on en arrive donc à l’artisanat : beaucoup de parents,
beaucoup d’enseignants, fabriquent leurs propres albums pour leurs enfants ou
leurs élèves. cela leur demande beaucoup de temps, d’ingéniosité
et d’énergie.
le fait qu’il existe peu de bibliothèques
braille, que les titres ne soient pas disponibles en de nombreux exemplaires,
réduit les possibilités de choix. et surtout, la plupart des enfants
ne possèdent aucun livre, sauf s’ils ont la chance d’avoir des parents
riches et/ou très motivés. cette situation, de mon point de vue,
est extrêmement injuste. les enfants totalement aveugles ont une expérience
de l’écrit très restreinte, le braille n’appartenant pas à
leur environnement naturel. or, toutes les recherches actuelles montrent que
pour mieux maîtriser un apprentissage, il faut en comprendre les finalités.
le vocabulaire, l’orthographe, la culture s’acquièrent d’abord par la
lecture. nous avons tous une mémoire écrite et une mémoire
orale. elles sont complémentaires et il faut absolument cultiver les
deux. ce que les aveugles ont sous les doigts avec le braille, c’est exactement
la même chose que ce que nous avons sous les yeux. de plus, si nous voulons
que les enfants d’aujourd’hui, qui lisent couramment en braille, continuent
à le faire demain, il faut développer l’offre de livres en braille
et ainsi leur permettre une plus grande autonomie à l’école, dans
les loisirs, en formation, au travail, dans la vie. c’est donc particulièrement
sur le manque d’objets à lire adaptés que l’on peut insister.
toutes les associations le déplorent, mais en ce qui concerne l’apprentissage
de la lecture, cette carence a des conséquences bien plus graves que
le simple manque. d’autre part, le caractère uniforme des livres en braille,
ainsi que le volume pris par le braille rendent les débuts de l’apprentissage
de la lecture en braille assez arides. pouvoir disposer d’albums tactiles de
bonne qualité est un facteur puissant de motivation. l’image, en tant
qu’illustration, a alors comme rôle d’activer la curiosité de l’enfant,
de lui permettre de toucher autre chose que du braille et, par la suite, une
fois que le dessin a fait l’objet d’un apprentissage, de se repérer dans
le livre. on peut voir ainsi des enfants aveugles non-lecteurs qui, comme des
voyants, récitent le texte correspondant à l’image. aimer lire,
c’est aimer les objets à lire.
les albums en bigraphisme, comme
ceux des doigts qui rêvent, en particulier ceux qui sont en surimpression
sur l’album d’origine, sont presque plus beaux que les albums d’origine. en
tout cas, ils suscitent la curiosité et l’admiration des voyants, adultes
et enfants, qui sont alors attirés par le braille, qui est ainsi valorisé
par celui qui doit l’apprendre. or une des difficultés de l’apprentissage
de la lecture en braille est le refus de ce code, qui peut apparaître
comme marginalisant. on peut donc considérer que l’album tactile joue
un rôle dans l’intégration sociale des aveugles.
l'édition en braille est quasi
inexistante et coûte cher. elle se heurte aussi à la question de
l'adaptation de l'image. tant qu'aucune loi sur le copyright favorable aux aveugles
ne sera votée en france, le problème restera entier et un certain
nombre d'établissements ou d'associations continueront à transcrire
des textes en toute illégalité. les éditeurs français
ne sont pas suffisamment sensibilisés au problème. malgré
les quelques progrès réalisés depuis une dizaine d'années,
il reste encore beaucoup à faire pour répondre aux besoins et
aux envies légitimes des déficients visuels.
géraldine leroy (deust stid 2ème
année, 2003)
bibliographie
articles
Ø
" lectures pour tous ", in initiatives handicap,
n°3, décembre 1995.
Ø
" la lecture des enfants aveugles ", in la revue des
livres pour enfants, n°179,février 1998.
Ø
"l’informatique au service des non-voyants ", in nous
vous lille, n°27, janvier-février 1999, p.9.
Ø
" l’accès à la lecture ", in voir demain,
n°390, mai-juin-juillet 2000.
Ø
" l’europe sociale ", in voir demain, n°401, août-septembre-octobre
2002.
Ø
" enfance et intégration ", in voir demain,
n°402, novembre-décembre 2002.
exposition
Ø
exposition sur l’invention de l’écriture braille à coupvray
la maison natale de louis braille
organise une exposition intitulée : " louis braille et
l’invention de l’écriture pour aveugles ", du 1er
février au 29 juin 2003.
quelques sites spécialisés
Ø
" le web plus accessible pour les aveugles et malvoyants ",
http://www.braillenet.org,
consulté le 3 juin 2003.
Ø
site portail voirplusnet, http://www.voirplus.net,
consulté le 3 juin 2003
voirplus.net est un portail rassemblant
des informations et ressources sur le handicap visuel : aide à la vie
quotidienne, accès à l'information et à la lecture, technologies
spécifiques, événements et colloques... le portail est
accessible par tous, voyant, aveugle, ou malvoyant car son interface respecte
les recommandations d'accessibilité wai.
- rappelons également que
l’année 2003 est l’année européenne des personnes handicapées,
un salon régional " handicap et dépendance "
aura lieu les 14 et 15 novembre 2003 à lille grand-palais.
- quelques éditeurs de braille font un
travail remarquable : benjamins media, les doigts qui rêvent, le cteb de
toulouse, la csi.
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